Si Mazaccio & Drowilal était un groupe de musique, cette exposition pourrait être un album best of en coffret collector. Une sorte de medley de leur production de ces dix dernières années. On pourrait parler de rétrospective si le terme n’évoquait pas autant la commémoration figée et définitive qui convient assez peu à la vitalité de leur travail. On préfèrera l’idée d’une exposition compilation, rassemblant les livres et les différentes séries produites depuis 2011 dont sont extraites les oeuvres présentées et ré-agencées entre elles dans l’espace du CACN. Bien que posant un regard rétrospectif sur leur travail, l’exposition échappe à la tentation d’une construction chronologique, mélangeant ainsi les séries entre elles, générant de nouvelles associations et de nouvelles significations des oeuvres.
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Si Mazaccio & Drowilal était un groupe de musique, cette exposition pourrait être un album best of en
coffret collector. Une sorte de medley de leur production de ces dix dernières années. On pourrait parler
de rétrospective si le terme n’évoquait pas autant la commémoration figée et définitive qui convient assez
peu à la vitalité de leur travail. On préfèrera l’idée d’une exposition compilation, rassemblant les livres et
les différentes séries produites depuis 2011 dont sont extraites les oeuvres présentées et ré-agencées
entre elles dans l’espace du CACN. Bien que posant un regard rétrospectif sur leur travail, l’exposition
échappe à la tentation d’une construction chronologique, mélangeant ainsi les séries entre elles, générant
de nouvelles associations et de nouvelles significations des oeuvres.
Elise Mazac et Robert Drowilal sont véritablement les enfants d’une culture visuelle populaire façonnée
dans ces années 90 où les champs de connaissances et de vision se sont élargis avec internet, espace
infini où circule en permanence une profusion d’images. Leur travail ne repose pas sur la photographie
mais s’inscrit autour d’elle, dans ses pourtours. Le duo explore le pouvoir de représentation que les
images suscitent sur la construction de nos identités et de nos imaginaires.
Photographies de chiens ou chats qui peuplent nos réseaux, de stars, photographies de peintures de la
Renaissance, de Miss ou de coureurs automobiles, portraits des artistes… Le duo appréhende le flux
visuel de notre époque par le collage, à la fois comme méthode formelle mais aussi comme mode de
pensée de l’image et de nos représentations. Pour définir leur pratique, les artistes préfèrent d’ailleurs
utiliser le terme de « collimage ». Le collage comme agencement, comme (dé)composition de l’image,
comme appréhension du monde.
Qu’est-ce qu’une image ? La langue française, capable d’être si inventive pour multiplier les synonymes,
semble demeurer assez pauvre pour définir ce mot aux nombreux sens. Mais on oublie souvent que
l’image est une construction en soi, et une construction de soi dans une époque comme la nôtre.
Pour exposer leur décennie et les oeuvres choisies, les artistes ont habillé les murs du centre d’art de
peintures monochromes dans différentes nuances de chair - « fond de teint », « délice bronzé »,
« tangerine sucré »… Y sont apposés des éléments de textes découpés, conçus sur le principe de l’ « avant/
après » comme un clin d’oeil à ces montages photos qui spamment nos réseaux sociaux ou nos pages
internet pour promouvoir des régimes douteux ou des opérations esthétiques. Mais seuls subsistent les
éléments typographiques et cette mise en scène en diptyque dans l’espace du centre d’art compose un
nouveau collage de et avec leurs oeuvres.
L’exposition toute entière compile le thème du double dans le travail de Mazaccio & Drowilal. Une mère et
son enfant - Babies. Un couple d’animaux devant un paysage - Seasons. Deux personnages ou
personnalités côte à côte - Iconology. Ici, le double est un motif.
Mais le double est aussi agencement. Un procédé formel de juxtaposition qui crée des associations
visuelles entre deux images n’ayant a priori rien en commun. Des coureurs automobiles s’arrosant de
champagne et des Miss lauréates en larmes de joie - Champagne. Peinture aérosol, emballage plastique,
ou encore adhésif estampillé « Mazaccio & Drowilal » : le travail plastique, presque pictural, de l’image
imprimée permet une mise en relation de ces photographies qui viennent se nourrir de sens nouveaux -
Iconology.
Parfois le double est un sosie. Comme cette composition d’une multitude de photographies de stars
posant avec leur statue de cire - Paparazzi. Comme ce jeu de ressemblances imaginaires mis en place
entre des portraits d’Elise Mazac « Mazaccio » et d’Henri Salvador, Barbara Streisand, le lama du dessin
animé Kuzco ou d’un beau cocker doré. Notre regard est construit sur le besoin de similarités. Nous
cherchons à voir des points communs, quitte à en inventer. L’image, selon son agencement, a un pouvoir
infini de persuasion.
Le double est également duo. Ce que le travail de Mazaccio & Drowilal fait émerger en creux, c’est
l’image comme support de construction des identités. Une confusion des identités qui s’étend à celles
des artistes : Elise et Robert sont Mazaccio & Drowilal, troisième entité issue de leur association. Le duo
travaille sur sa propre image, sa mise en scène, un peu comme une marque, et recréée à l’envi sa propre
mythologie. Tantôt en couverture de magazine business - Success - ou exposant des maillots de foot à
leur nom - Gold Sponsor - les artistes se réapproprient les postures de succès et les formes de célébration
des icônes de notre temps.
Enfin, l’image est un double. Dans leur production, le thème de l’icône et de la célébrité est récurrent,
traduisant l’ambivalence de notre rapport à ces figures. Attraction-répulsion. Les images de stars sont à la
fois un paroxysme de la construction de soi et génératrices du mythe qui l’entretient. Influençant nos
regards, nos besoins, nos désirs. Construisant notre définition de la beauté, du succès, de la réussite.
Suscitant de l’envie, de la frustration, de la jalousie. Dans une forme de circulation interne, ces images sont
à la fois supports et vecteurs de désir. Elles existent grâce au désir qui y est projeté et participent en
retour à l’alimenter. Images - mirages ?
Le travail de Mazaccio & Drowilal ne traduit ni rapport complaisant ni positionnement critique sur les
images qui habitent et forgent notre culture visuelle. Les artistes investissent ce qu’elles sont, ce qu’elles
produisent, ce qu’elles construisent. Avec une esthétique ludique, colorée et décalée, leur oeuvre génère
de nouvelles images qui génèreront d’autres représentations.
Laisse à désirer. Même la signification du titre de cette exposition est double. Dans son sens commun,
cette phrase est l’expression de l’échec ou de l’incompétence, d’un travail mal fait, d’un manque de
rigueur. Prise plus littéralement, elle exprime justement ce qui est laissé au désir. Comme ce corpus visuel
que l’exposition compile, agence et laisse à nos regards.
Tania Hautin-Trémolières
Mars 2022
La célébrité s’étale dans la presse people avec son lot de clichés volés donnant à voir les stars dans la banalité de leur quotidien. Ces photos, le duo les détournent et les cumulent pour mieux se jouer des codes véhiculés par les vedettes. Un travail réuni dans leur ouvrage « Paparazzi ».
+ lireLa célébrité s’étale dans la presse people avec son lot de clichés volés donnant à voir les stars dans la banalité de leur quotidien. Ces photos, le duo les détournent et les cumulent pour mieux se jouer des codes véhiculés par les vedettes. Un travail réuni dans leur ouvrage « Paparazzi ».
Ils se souviennent que
c’est dans une laverie parisienne, un
jour de 2011, dans le ronronnement
des lave-linge, que tout a commencé. Élise Mazac (surnom :
Mazaccio) et Robert Drowilal feuillettent des magazines people qui
traînent. « C’était l’époque où
Starbucks n’avait pas encore autant
essaimé en France, se souvient Élise.
Et on se demandait pourquoi, sur
toutes les images qu’on voyait, les
stars étaient prises en photo par des
paparazzis avec ce même gobelet en
carton entre les mains. » Ils commencent à rassembler des images
de célébrités dans la rue avec leur
macchiato ou leur latte : l’acteur
Ben Affleck, les actrices Natalie
Portman, Halle Berry, Ellen Pompeo
de Grey’s Anatomy et Marcia Cross
de Desperate Housewives, la pop
star Hilary Duff... Et les superposent
sur un collage avec, en arrière-plan,
une avenue new-yorkaise. Les
vedettes se voient réduites à une
condition banale, à la merci de leur
dose de caféine et de sucre, et tournées en ridicule, tant elles semblent
jouer, «performer », dit Robert.
C’est là la première œuvre de
Paparazzi, une série aujourd’hui
publiée dans un livre qui en rassemble une vingtaine : les stars qui
font leurs courses, les stars qui se
prennent en selfie, les stars à moto,
à la plage, ivres, enceintes, qui
s’embrassent... Les figures impénétrables des affiches de films sont ici
ramenées au trivial (promenade
du chien faisant ses besoins) ou au
moutonnier (port de la même
parka Canada Goose, pratique du
yoga et du golf). Dans une sorte de
quart d’heure warholien inversé,
les stars sont saisies dans des gestes
banals, comme pousser un chariot
de course où s’entassent des rouleaux de papier toilette.
Si l’image paparazzée a été ennoblie
ces dernières années – des signatures de la discipline ont déjà été
exposées, comme Jean Pigozzi, dans
diverses galeries, ou Pascal Rostain et
Bruno Mouron au Centre Pompidou-
Metz en 2014 dans l’accrochage
« Paparazzi ! Photographes, stars
et artistes » –, le duo Mazaccio
& Drowilal pousse l’exercice en s’appropriant ces images et en les
réagençant. Ils avancent un néologisme pour synthétiser leur
démarche : «collimages».
Les deux se sont rencontrés à Paris
après des études d’art. Lui a grandi à
Rodez, la préfecture de l’Aveyron ;
elle, à 60 kilomètres de là, à
Villefranche-de-Rouergue, une sous-
préfecture du même département où
ils vivent aujourd’hui, ayant fait d’une
ancienne menuiserie leur vaste atelier. Enfants de la seconde moitié des
années 1980, ils ont façonné leur
culture dans cette zone rurale, sans
grand musée aux alentours, et peu de
films d’art et essai. «On a au contraire
vécu une perfusion de “soft power”
américain, à travers les séries X-Files,
Code Lisa, les clips sur M6, et plus
tard, les films piratés sur e-Mule.»
Ils pistent sur Instagram ou sur des
sites people comme TMZ des clichés
qu’ils détourent sur Photoshop, puis
accumulent sur des paysages stéréo-
typés, « comme les fonds d’écran
Windows », imprimant l’ensemble
sur du papier baryté. Admirateurs de
l’imagerie pop art, de l’ironie d’un
John Baldessari ou d’un Roy
Lichtenstein, ils citent néanmoins
plus volontiers Bruegel l’Ancien
comme inspiration de leurs compositions. «Ce qui compte est d’obtenir
un résultat ni trop bâclé ni trop virtuose, plausible mais imparfait, et que
le tout recèle une immédiateté »,
résume Élise Mazac.
Au fil des années, la série a gagné en
ambiguïté. «Aujourd’hui, les photos
sont faciles à trouver, observe
Robert Drowilal. Pour une Lindsay
Lohan qui ramasse la crotte de son
chien, on peut avoir jusqu’à cinquante clichés, décomposant l’action,
en haute définition.» Surtout, ces images quotidiennes ont changé de statut, tant les stars en jouent.
Certains vont voir un match de basket, en M. Tout-le-Monde, «mais en achetant chèrement des places au premier rang, bien en face des caméras, s’amuse le couple. Des acteurs exposent aussi leurs muscles sur la plage lors de vraies fausses paparazzades, après des semaines de cure protéinée, espérant que les directeurs de casting verront qu’ils ont la carrure pour le prochain film d’action.»
À cela s’ajoute la multiplication des placements de produits. Certains pistés peuvent, pour fuir l’objectif,se cacher opportunément derrière un sac Vuitton ou Chanel...
Mutations qui proposent autant de lectures de leurs collages. Qui crée l’image ? Quelle est la part de spontanéité et de mise en scène dans ce que l’on voit ? Pourquoi ces scènes banales nous captivent-elles?
En dix ans, personne n’a protesté, ni photographe ni vedette. Pas même
Angelina Jolie, en visite, en 2014, chez Colette où certaines de leurs œuvres étaient exposées. Au sein de leur collage de stars promenant leur
progéniture en poussette, l’actrice a pu voir, au centre, son mari d’alors, Brad Pitt, et deux de leurs enfants. «Elle a ri, apparemment...» Au milieu de ce flot de célébrités, les spectateurs attentifs noteront deux exceptions : les silhouettes d’Élise et de Robert, placées avec malice... Une sorte de jeu façon Où est Charlie ? tant l’ordinaire ressemble à l’ordinaire. Mazaccio et Drowilal, pas moins stars que les stars.
Valentin Perez,
Novembre 2021
Tous aux abris ! Voilà les paparazzis. Planqués derrière leurs lunettes de soleil, cachés par leurs casquettes, chapkas, capuches ou parapluies, les «people» semblent s’être donné le mot pour éviter les téléobjectifs des sangsues de la photographie. Dans cette foule anonyme, une besace au monogramme Louis Vuitton, une serviette de plage Chanel (à moins que ce ne soit un poncho ?) et un vieux sac plastique font l’affaire pour se protéger de la soif voyeuriste. Mais ces looks d’Elephant Man ne trompent personne...
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Tous aux abris ! Voilà les paparazzis. Planqués derrière leurs lunettes de soleil, cachés par leurs casquettes, chapkas, capuches ou parapluies, les «people» semblent s’être donné le mot pour éviter les téléobjectifs des sangsues de la photographie. Dans cette foule anonyme, une besace au monogramme Louis Vuitton, une serviette de plage Chanel (à moins que ce ne soit un poncho ?) et un vieux sac plastique font l’affaire pour se protéger de la soif voyeuriste. Mais ces looks d’Elephant Man ne trompent personne : derrière ces hommes et ces femmes invisibles, collés les uns aux autres par la magie de Photoshop, il y a peut-être Brad, Britney, Vanessa, Cameron, Bruce ou Jennifer, de la chair fraîche à objectifs et à commérages, des proies «bankable» pour la presse à scandale qui fait son beurre de la vie privée des stars.
 
Œuvrant depuis 2006, déjà repérésà Arles en 2014, le duo d'artistes Mazaccio & Drowilal publie Paparazzi, un bidonnant petit livre rassemblant des collages de célébrités dont est issue cette composition en forme de fin du monde. Dans ces montages kitchs et glitchs, qui se jouent de l'esthétique internet et des mises en pages bas de gamme de la presse people, la force de Paparazzi est de repérer les us et coutumes des vedettes.
Après tout, même sous le feu des projecteurs, ces personnes exposées mènent une vie à peu près normale : ils sortent leur chien, vont au supermarché, font des selfies, du surf, du golf, du jogging, du yoga... Souvent écolos convaincus,ils conduisent d'énorment cylindrés, réclament des camions-logestaille loft sur les tournages, et écument la planète en tournée promo à bord d'avions de ligne pour les plus mal lotis et de jet privés pour la catégorie premium.
 
Naturellement, on les comprend, ce gotha, si célèbre et célèbré, se protège de l'intrusion des médias voyeurs... A moins qu'ils ne se protègent du brasier situé à l'arrière-plan comme le suggère l'image ?
Il y a quelque chose de juste dans ce tableau apocalyptique. En téléscopant deux réalités qui n'ont apparemment rien à voir, celle des people persécutés et celle des feux de forêts qui ravagent la Californie chaque été, Elise Mzac aka Mazaccio, et Robert Drowilal suggèrent visuellement ce que démontre à quelques jours de l'ouverture de la COP26 à Glasgow, une étude récente du World Inequality Lab : la quantité de CO2 émise est étroitement liée au niveau de revenu des habitants et les individus les plus aisés polluent plus que les plus pauvres. Comme des animaux pris au piège des flammes, ces célébrités, cernées par leurs contradictions, sont le reflet de nos échecs à changer nos comportements. Personne ne veut voir la réalité en face.
Clémentine Mercier,
Octobre 2021
Fusing internet-found imagery with an irreverent use of paint and tape, the French artists tackle society’s issues with image abundance and take down the ‘dreams’ perpetuated by media.
+ readThe artwork of Mazaccio & Drowilal takes internet fodder as its fuel, and in the process asks us to look twice. Whether it’s IRL still lifes of desktop icons, dogs staring wistfully into sunsets, or celebrity snapshots defaced with paint and tape, the duo’s subject matter is universally familiar to anyone who’s found themselves in a thumb scroll wormhole, and that’s exactly the point. “We aim to deal with the issue of image abundance that is generating our vision of the world,” explains Robert Drowilal, one half of the studio with Elise. “We try to analyse attraction processes and explore how cultural industries create dreams and identities by using entertainment and the art of storytelling.”
Aptly, Robert describes both their upbringings in the 90s as fairly internet obsessed. They were both born in the late 80s in the rural south of France countryside, which Drowilal describes as “cultural deserts… there were no museums, the theatre only played three movies… we were starving for cultural content”. So when home internet access arrived in the mid 90s, “it was insane,” he recounts of an era spent downloading every movie, game, record and comic he could manage. “It was a bit brainwashing, because I was on a drip of American soft power”. Now, his and Elise’s work is an “enterprise of deconstruction” of those influences, he says.
The two met in 2006 and began collaborating in 2009 in Paris, sharing an interest for art and photo books, and hence starting out with the vision of combining and editing their own photographs, forgoing individual authorship. This soon expanded to using images taken by others. “In this sense, our medium became not so much photography as the image itself,” says Robert. They published several books before being invited to exhibit their collaborative artworks, and have since practiced as a partnership.
Collage seemed “obvious” as a cooperative format, and has become the cornerstone of Mazaccio & Drowilal’s output. The past decade has seen several collage series including Paparazzi, showing cut-outs of celebrities doing the same activity, for example taking a selfie; Vanitas, still lifes made of desktop icons, The Dog’s Best Friend, showing dogs gazing at sunsets, and Ninny, nudist on paper towels, engaged in mundane activities. By collecting and combining these images, a new interplay emerges between, and they suddenly seem all the more ludicrous.
The duo’s most recent series is a set of diptyphs titled Iconography, which combines found imagery that you might not expect to see paired, but has a distinct similarity, paying special attention to “thematics of the male gaze, eroticism, L.O.L, icons, celebrities and child actors, and to the theme of the double (twins, wax double, persona, public, avatar).”
Many show celebrities, for example the Williams sisters, Ronaldo and his waxwork counterpart, Tobey Maguire and Leonardo Di Caprio as child stars bowling together, or Arnold Schwarzenegger and Sylvester Stallone side-by-side in hospital beds. These are mirrored by all types of imagery, spanning classic and contemporary artwork, fashion and advertising shots, cartoons, political imagery, stock imagery, internet memes and video game screenshots, to comedic and provocative effect. The process of finding and pairing the images has taken a number of years, from browsing and searching, to printing them out “to take them away from their original context,” then trying to find pairs and “collisions”. The curated diptychs are printed on a single, one-metre-high sheet, stapled onto wood, wrapped in plastic film and “enhanced” irreverently with spray paint and Mazaccio & Drowilal branded tape.
“For us the gesture of packaging induces a parallel between circulation of goods and circulation of images in our globalised era,” explains Robert. “The use of this kind of tape is also blurring the difference between artist's signature and corporate identity. For a while we’ve wanted to emancipate from the framing standards and convention in photography because it's too expensive and heavy... and boring.
So for us it's a shift from image-making to picture-making, and the objecthood (materiality) is underlining the tension that can exist between the flatness of the image and the physicality of its display.
“At the same time, it is questioning images and our relationship to them – How do images circulate across media? How do they affect us emotionally and intellectually? How do they acquire meaning and power? And how they communicate as signs and symbols?”
Mazaccio & Drowilal recently had a solo show, Par amour du goût, at Les Ateliers Vortex, Dijon, France, and are currently involved in group show Skɪz(ə)m at Plato in Ostrava, Czech Republic, until 30 August. The duo is also currently working on a new edition of its Paparazzi book with
RVB Books, featuring unreleased collages and more “surprises,” due out later this year.
Quelques
individus,
occupant
la
pelouse
où
défèquent
leurs
chiens,
observent
en
riant
l’éconduction
du
rien.
La
chaleur
diminue.
Bel
Air
Quelques
individus,
occupant
la
pelouse
où
défèquent
leurs
chiens,
observent
en
riant
l’éconduction
du
rien.
La
chaleur
diminue.
Une
star
peu
vêtue,
circule
en
titubant
dans
les
rues
de
Bel
Air,
passe
chez
Taco
Bell
puis
s’achète
des
bières.
Finit
en
garde-‐à-‐vue.
Un
ciel
acidulé
où
s’écrase
l’image
projetée
sur
l’écran
du
cinéma
drive-‐in.
Nicole
Kidman
multiplie
son
visage
sur
les
capots
lustrés
des
Break
et
des
Berline.
Sur
le
parking,
la
lune
presse
sa
craie
blanche,
éclaire
les
volutes
bleues
d’un
graffiti.
Quelques
sacs
plastiques
dans
l’ombre
se
retranchent
et
s’emberlifiquotent
dans
les
roues
d’un
caddie.
Marcel Devillers,
Mars 2020
This project began when we called into question our daily working tools. How these softwares, apps and digital interfaces are shaping the way we percieve things, but also the kind of artworks we produce?
In 2014, after getting a grant from the cultural services of the US Embassy in Paris, we travelled to Silicon Valley in California. That now mythic area, stretching from San Francisco to San Jose, is the home to many of the world’s largest high-tech corporations. It has developed since the mid-XX century around the Standford University, at the cross between military industry and hippie counterculture.
This project began when we called into question our daily working tools. How these softwares, apps and digital interfaces are shaping the way we percieve things, but also the kind of artworks we produce?
In 2014, after getting a grant from the cultural services of the US Embassy in Paris, we travelled to Silicon Valley in California. That now mythic area, stretching from San Francisco to San Jose, is the home to many of the world’s largest high-tech corporations. It has developed since the mid-XX century around the Standford University, at the cross between military industry and hippie counterculture.
Out of step with the traditionnal ‘documentary style', we approached to this territory through multiples mediums such as collage, installation and book. The differents parts of this ensemble raise questions about digital interfaces, about the depressing vogue of having fun at work, about the region’s intense culture of sport and performance, but also about the Internet linguistic metaphors.
When we returned, we start working on a still-life series titled Vanitas (2014-2018). These collages refer directly to vanitas: this category of symbolic still life paintings from the 16th and 17th centuries in Flanders and the Netherlands. This style is here revisited – ‘updated’ in a way – in the age of connected devices, uninterrupted flows of information and constant data archiving. Made from work environments clichés, these images have been augmented with 3D desktop icons, emojis and notifications.
In the Sequence (2015) installation we displayed a frieze of portrait-style photographs, taken in the field in startup companies with tech peoples, but also on iconic spots of computing history like the Hewlett-Packard and Apple garages. All the pictures were then captionned with emoji. This reduction is next-level handholding for the novice viewer, but also refers to Victor Burgin and Joseph Kosuth’s tautological experiments. It delves deep into photography and our perception of it. The frieze of snapshots create an immersive, saturated environment, underlining how difficult is it to get some distance from those ubiquitous technologies.
Artist book The Happiness Project’s layout (2018) is inspired by this setup : a long sequence of photographs all taken in Silicon Valley, interrupted by some glossy inserts with the vanitas series. Some of the photographs are cut by the passsage from a page to another to evoke the kind of visual experience that you have while scrolling through infinite feeds of images. The two superimposed kind of images (photographs et collages) cast doubt on what we’re looking at and challenge the viewer.
With The Happiness Project, we tried to register something about merging and dehierarchization of differents forms of representation that we experiment everday on screens ; but also to push the boundaries of our understanding of what a photographic image is.
Robert Drowilal
June 2018
Jérôme Dupeyrat : Vous avez réalisé une vingtaine de publications depuis 2008, certaines
en solo, d’autres en duo. Dans quel contexte avez-vous commencé à faire des livres ?
Robert Drowilal : Au départ, cela répondait notamment à une contrainte économique.
Durant nos études, nous faisions principalement de la photographie, mais la photo est
vraiment un art coûteux à produire. Faire des livres nous
permettait d’avoir à moindre coût un objet fini, dont nous maîtrisions la chaine de
production. J’étais par ailleurs passionné par l’art conceptuel, et je voyais qu’il y avait une
véritable adéquation avec le livre.
Jérôme Dupeyrat : Vous avez réalisé une vingtaine de publications depuis 2008, certaines
en solo, d’autres en duo. Dans quel contexte avez-vous commencé à faire des livres ?
Robert Drowilal : Au départ, cela répondait notamment à une contrainte économique.
Durant nos études, nous faisions principalement de la photographie, mais la photo est
vraiment un art coûteux à produire. Faire des livres nous
permettait d’avoir à moindre coût un objet fini, dont nous maîtrisions la chaine de
production. J’étais par ailleurs passionné par l’art conceptuel, et je voyais qu’il y avait une
véritable adéquation avec le livre.
 
J.D. : Est-ce que la perspective de la diffusion vous intéressait ?
Élise Mazac, alias Mazaccio : Oui, ça nous intéressait, mais tant que nous étions
étudiants, cela restait à une échelle très réduite. Lors d’un échange aux États-Unis, on
avait mis en dépôt trois livres à Printed Matter ceci dit. En plus des contraintes
économiques, le livre nous a aussi offert un cadre lorsqu’on a commencé à travailler
ensemble : un livre a un début, une fin, cela donne une méthode, un protocole pour
travailler.
 
J.D. : Vous avez commencé à travailler ensemble en faisant des livres donc.
 
R.D. : Oui, des livres de photo. Le premier que l’on a fait ensemble est One Day will
Come. Ensuite il y a eu Phone Call.. Ce sont des montages d’images que l’on a faits à
partir de photographies que nous avions déjà réalisées. Phone Call 2. est le premier livre
pour lequel on a pris des photos spécialement.
 
J.D. : Vous parliez de votre intérêt pour l’art conceptuel ; aviez-vous une connaissance de
l’histoire du livre d’artiste ?
 
E.M. : Oui, et ça nous intéressait beaucoup : Robert Barry, Douglas Huebler, John
Baldessari, les collectionneurs comme Hans-Peter Feldman aussi, ou parmi les artistes
plus récents, Claude Closky. La lecture d’Esthétique du livre d’artiste, d’Anne
Moeglin-Delcroix, nous avait permis de découvrir l’histoire de cette pratique.
 
R.D. : En parallèle nous nous intéressions aussi au livre de photographie, en particulier à
ceux des photographes japonais : Masahisa Fukase, Daiddo Moryama, etc.
 
E.M. : Lorsque nous étions étudiants nous étions très intéressés par les collections
d’images, les typologies, les protocoles. Notre travail était souvent basé sur cela. Plus
récemment nous sommes revenus à des écritures photographiques plus personnelles, et
à une pratique de collage et de montage plutôt que de classement ou d’inventaire.
 
J.D. : Votre travail est constitué d’images qui appartiennent soit à la pop culture soit à la
culture populaire, si l’on fait une distinction entre les deux. S’y côtoient la presse people, le
cinéma américain, le Musée Grévin, et tout ce que l’on pourrait appeler un peu
généralement la « culture web ». Quelles sont les images qui vous intéressent ?
 
E.M. : On est toujours étonné quand on nous parle de la culture pop. C’est la culture tout
court. Nous utilisons simplement des images largement diffusées, à un tel point que nous
sommes obligés de leur accorder notre attention. Nous réagissons aux images qui
s’imposent à nous.
 
R.D. : Dans Champagne. par exemple, il y a une question d’identification, un phénomène
à la fois de rejet et d’adhésion. C’est un livre qui présente deux collections d’images en
vis-à-vis : des pilotes de Formule 1 qui célèbrent leur victoire en s’aspergeant de
champagne ou en aspergeant les autres de champagne, et des miss qui reçoivent leur
couronne, souvent en pleurant sous le coup de l’émotion, mais qui hésitent à se toucher le
visage à cause de leur maquillage. Je pense que ces images nous sautaient au visage justement. Elles nous semblaient à la fois amusantes et dégoûtantes.
Pour les montrer dans ce livre, nous avons enlevé ce qui pouvait empêcher de les
percevoir de la même façon que nous. Nous les avons ainsi passées en noir et blanc,
recadrées, parfois retouchées.
 
J.D. : Vous parliez d’identification. Doit-on vous voir derrières ces pilotes et ces miss ?
 
R.D. : Ça pourrait être n’importe quelle femme, n’importe quel homme, c’est à propos des
archétypes. Détourner des archétypes est une pratique qui a une longue histoire, depuis
Dada sûrement, puis les situationnistes, mais internet a très largement favorisé cette
démarche.
 
E.M. : Et sur le web les images sont un langage à part entière. Les gens parlent avec des
images. Je pense à Museum of Internet. par exemple, c’est un site qui recense des
images du web, souvent très drôles, que les gens commentent avec d’autres images. Les
Emoji, les gifs, se substituent aussi au langage courant.
 
J.D. : J’ai l’impression que votre pratique du détournement, de l’appropriation et du
collage, est autant liée à ces usages liés au web qu’à l’histoire de l’art moderne et
contemporain ; que vous essayez en quelque sorte d’être dans la position de l’amateur ou
de l’internaute lambda autant que dans une filiation avec les artistes.
 
R.D. : Je pense que l’on est vraiment dans un entre-deux, parfois en mimant les amateurs
de façons savante, mais sans chercher à s’approprier l’art ou les pratiques amateurs de
façon trop codée ou référentielle.
 
J.D. : Paparazzi me semble relever de la même ambivalence que Champagne, entre
fascination et rejet vis-à-vis des images utilisées.
 
E.M. : Pour nous il s’agit toujours d’images qui, au premier abord, nous agressent, mais
qui sont tellement diffusées et utilisées que nous finissons par entrer dedans. Pour
Paparazzis le travail est parti d’une incompréhension en constatant que dans énormément
de photos people, les personnes tenaient des gobelets Starbucks. C’était avant que la
firme ne multiplie ses cafés en France. Je trouvais cela vraiment absurde, et en cherchant
à comprendre, je me suis rendue compte à quel point les peoples photographiés avaient
toujours les mêmes panoplies et les mêmes activités.
 
R.D. : Ce qui est étonnant c’est de voir l’influence de ces images sur nos comportements
quotidiens. Il y a un vrai mimétisme, inconscient.
 
E.M. : Oui, ces images diffusent des modèles de vie. Elles ont un pouvoir énorme, c’est
pour cela qu’on a envie de les décortiquer, en les faisant un peu disjoncter j’espère.
 
J.D. : Le livre semble en tous cas vous offrir des moyens d’accentuer et de perturber la
nature de ces images : je pense à l’accumulation des collages dans Paparazzis, ou au jeu
des doubles pages dans Champagne, où il s’instaure une relation un peu salace entre les
pilotes en train de faire gicler leur champagne et les miss qui semblent les regarder de
façon émues. Je suppose que c’était parfaitement intentionnel.
 
R.D. : Oui, l’idée était de faire un livre presque pornographique, mais avec des images qui
passent sur TF1 à 20h50 ou le dimanche après-midi. Maintenant la Formule 1 est diffusé
sur Canal + d’ailleurs, qui est aussi la chaine historique du porno télévisé, donc la boucle est bouclée…
 
E.M. : Nous parlions tout à l’heure de culture populaire, en fait il s’agit plus précisément de
culture médiatique. Culture internet ou culture web, de même, est sûrement trop vague.
 
J.D. : Pensez-vous qu’il y a une iconographie qui est propre à internet, ou est-ce
qu’internet change seulement l’usage que l’on fait des images.
 
R.D. : Il y a des images que l’on voit sur le web et que l’on n’aurait jamais vu à la
télévision. Le web a aussi favorisé la généralisation des outils numériques pour produire et
retoucher les images. D’ailleurs lorsqu’internet s’est démocratisé dans les foyers,
beaucoup ont prétendu que tous les utilisateurs allaient devenir producteurs de contenus.
Mais au final, j’ai l’impression que c’est toujours les plus grosses agences de
communication qui émettent les messages.
D'ailleurs YouTube a supprimé son slogan .Broadcast Yourself en 2012.
 
J.D. : Vous appartenez à une génération d’artistes qui semble souvent plus intéressée par
la remédiation et la rematérialisation des contenus venant du web que par l’utilisation
d’internet comme outil de production et espace de diffusion. Est-ce vrai dans votre cas ?
 
R.D. : Il est vrai qu’une grosse partie de notre travail consiste à passer du web à des
objets physiques. À l’ère numérique, les images n’ont plus de taille fixe, c’est pourquoi
paradoxalement il est impossible de ne pas penser à leur matérialité, car dès lors qu’on
veut les exposer tout est susceptible de faire sens : l’accrochage, le contexte etc.
 
E.M. : Aujourd'hui, la division hermétique entre virtuel et réel nous paraît vraiment obsolète. La production de représentations pour internet est complémentaire de la pratique d'atelier, d'exposition et d'édition.
 
J.D. : Lorsqu’une image est déplacée à partir d’internet, cela implique en effet de penser
son nouveau contexte matériel. Mais cela induit-il aussi une forme de distance par rapport
à l'image dématérialisée telle qu'on la consomme sur le web ? Ou pour le dire autrement,
la rematérialisation des images implique-t-elle une critique (dans tous les sens du terme)
de leur dématérialisation ?
 
R.D. : Tout d’abord, rematérialiser les images permet de les sortir du flux. On ne peut pas
zapper face à une sculpture photographique. Donc en effet le rapport à l’image se modifie,
mais – même si nous sommes très sceptiques envers la collecte généralisée et
systématique des données personnelles utilisées à des fins publicitaires ou électorales et
la surveillance de masse – nous ne sommes pas technophobes.
 
J.D. : Dans cette optique d’une rematérialisation de l’image numérique, en quoi l’imprimé
vous intéresse-t-il particulièrement ?
 
E.M. et R.D. : Pouvoir toucher l’objet, l’avoir avec soi, contrôler le rythme de la
consultation lorsqu’il s’agit d’un livre, tout cela n'est pas très original mais ça reste
important.
Lorsqu’on commence un nouveau travail, on pense toujours d’abord à faire un livre.
Ces derniers temps, nous en avons fait moins pourtant.
 
J.D. : Donc vous y pensez mais le projet n’en devient pas forcément un. Est-ce que cela
ne tient pas en partie au fait qu’on vous offre plus souvent la possibilité de faire des
expositions ?
 
R.D. : Je pense que c’est une des raisons, oui.
 
J.D. : Est-ce que certains de vos projets se dédoublent : une version éditée, une version
exposée ?
 
R.D. : Il y a Wild Style, mais ce n'est pas un livre d’artiste, c'est un catalogue.
Champagne existe aussi sous la forme de sérigraphies rehaussées, que je vois comme un
produit dérivé du livre en réalité.
 
E.M. : Les deux m'intéressent tout autant – livre et exposition –, et je pense que notre
travail va se poursuivre dans cet aller-retour. Comme on le disait, on imagine souvent nos
projets sous la forme de livres lorsqu’on les débute. Tous ne deviennent pas des livres,
mais la plupart sont initiés en pensant à la possibilité d’un livre. C’est une manière de
penser en fait, avec l’idée de séquence, de début, de fin.
 
J.D. : Cette attention à la séquence des images et des pages est un aspect manifeste
dans plusieurs de vos projets, tel que Walking Toward Odaiba Island. par exemple.
 
R.D. : Ce livre-là est vraiment dans l’héritage des livres à protocoles, tels ceux de Douglas
Huebler. Le protocole consistait ici à se rapprocher d’une île artificielle à Tokyo, qui est
reliée à la ville par un pont et sur laquelle se trouve notamment le siège de Fuji, en
empruntant ce pont à pied et en augmentant l’exposition des photographies plus je
m’approchais de l’île, de sorte à arriver à une photo quasiment blanche.
 
J.D. : C’est un bon exemple de la capacité du codex à faire correspondre une séquence
spatio-temporelle avec la continuité des pages. D’autres livres exploitent la possibilité de
mettre en relation des images dans le vis-à-vis des doubles-pages, tel Gotham., ou dans
la succession des rectos-versos, comme Twins..
 
R.D. : Twins. a été inspiré par un livre de Sol LeWitt composé avec des papiers noirs
déchirés. Il présente des photos d’inaugurations de statues au musée Grévin, où l’on voit
une célébrité qui pose à côté de la statue de cire qui la représente, souvent habillée de la
même façon. J’ai imprimé toutes ces photos que j’avais collectionnées, puis je les ai
déchirées, comme on pourrait le faire d’une photo de couple après une séparation. C’est
une image cinématographique assez forte je trouve. Les fragments apparaissent au recto
et au verso d’une même page. En feuilletant le livre, on voit ainsi se succéder ce que l’on
pourrait prendre pour des jumeaux, avant de comprendre ce dont il s’agit vraiment, car les
têtes des répliques en cire ont souvent une expression étrange.
 
E.M. : J’ai réalisé Gotham. lors d’un séjour d’étude à New York. Il fallait faire une série
d’images pour un cours, j’ai décidé de faire un bouquin dans lequel les images
s’enchaînent par associations d’idées, avec des rapports de cause à effet entre les pages
qui sont en vis-à-vis : un pistolet et une tache rouge, un cornichon et une trace de morsure
sur un doigt, etc. Au fur et à mesure, on a l’impression de se déplacer sur un territoire.
 
J.D. : Cette attention à la séquence spatio-temporelle des pages permet de suggérer des
sortes de fiction, ou du moins de récit, de narration en images. Je pense à Historical
Events par exemple.
 
R.D. : Historical Events est un livre qui parle d’Histoire et de la façon dont elle est réécrite
au cinéma, à partir de captures d’écran de films que j’ai regardés. C’est la multiplication
des biopics qui m’a conduit à m’interroger sur cela. Par exemple, sur une
page, il est écrit sur une capture d’écran : « 1860, mer de Chine ». Sur une autre : « 11
septembre 2001 ». Le montage du livre est fait de telle sorte que l’on se déplace du passé
vers le futur, jusqu’en 2052, l’événement le plus proche de notre présent se déplaçant
selon le moment auquel le livre est lu. J’aime bien la façon dont le temps se dilate ou se
rétrécit à travers la régularité des pages : on peut passer 120 ans d’une page à l’autre,
puis quelques minutes seulement entre deux autres pages.
Par ailleurs il y a des films des années 1970 qui parlent de notre présent, et d’autres où
c’est l’inverse. Le livre joue avec tout cela.
 
J.D. : Vous avez auto-édité un bon nombre de vos livres, et d’autres ont été publiés par
des éditeurs. Quelles différences voyez-vous ?
 
R.D. : C’est souvent plus cadré avec les éditeurs, parfois un peu frustrant même. Wild
Style est un catalogue, et l'artiste n'a pas autorité sur tout dans ce type d’ouvrages. On est
intervenu sur certains paramètres (la grille, le papier), mais il s’inscrit dans une collection
et il fallait donc respecter un cahier des charges. Il y a surtout une la séquence d’images
qu’on peut considérer comme une contribution d’artiste.
Pour Champagne, avec RVB Books, le livre s’est simplifié au fur et à mesure. Il est au final un peu plus chic que ce que nous avions en tête au départ – moi j'aime bien,parfois, que ça ne soit pas chic – mais c’est un éditeur consciencieux, qui fait du bon travail jusque dans la diffusion.
 
J.D. : Continuez-vous à auto-éditer ?
 
E.M. : Nous allons bientôt éditer un calendrier, mais c’est surtout lorsqu’on était étudiants
qu’on a réalisé le plus de publications. On faisait ça pour le plaisir, je ne sais pas si on
arriverait à faire des choses d'une manière aussi légère maintenant.
 
J.D. : J’aime bien l’idée qu’un livre puisse être, parfois, un objet spontané, sans trop
d’enjeu ou d’incidence, sans recherche d’excellence ou fantasme du chef-d’oeuvre du
moins. Mais j'ai discuté il y a peu avec Marc-Camille Chaimowicz qui disait au contraire
que pour lui ce sont les livres qui ont le plus d’enjeux, parce les gens oublient les
expositions, surtout si elles sont mauvaises, alors que les livres restent et doivent être
pour cette raison d’une tenue irréprochable. Il y a deux conceptions de l’édition d’artiste en
fait : l’une tournée vers l’inscription d’un travail dans la durée, et l’autre relevant plus de
l’esprit fanzine. En tous cas vous n’êtes pas les seuls artistes ayant eu une production
éditoriale foisonnante durant leurs études, puis à la fois plus ponctuelle et plus complexe
en terme de production par la suite. Ce qui est intéressant, comme vous le disiez
précédemment, c’est que même si vous faites moins de livres dans les faits, vous pensez
souvent votre travail avec cet horizon.
Sans qu’il s’agisse de livres, est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de publier des
contributions dans des revues ou des journaux ?
 
R.D. : On l’a fait il n’y a pas longtemps pour Ordinary Magazine. Pour chaque numéro,
une vingtaine de photographes sont invités à proposer une image à partir d’un objet
ordinaire. La commande impose l’objet et le format de l’image, en double-page, mais
chaque artiste propose ensuite la photographie qu’il veut.
Le premier numéro était sur la vaisselle en plastique, on a été invité pour le second sur
l’éponge-grattoir, et le troisième sera sur le coton-tige. On a fait deux éponges à la plage
avec un décor en sopalin.
 
J.D. : Considérez-vous votre site internet et vos comptes sociaux comme des espaces
éditoriaux ?
 
R.D. : Oui pour notre site, Instagram aussi, twitter un peu, facebook pas du tout. Mais c’est
vrai surtout pour le Tumblr d’Élise : Daily Mazaccio.
 
E.M. : Les réseaux sociaux nous intéressent mais on y consacre peu de temps en réalité.
Sur le Daily Mazaccio, ce sont des images que je mets de côté, des choses qui
m’interpellent, et que je publie en faisant en sorte que chaque nouvelle image résonne
avec la précédente. Mais j’en publie très peu, ce n’est pas du tout quotidien.
 
J.D. : Pourrait-on parler de Profession : artiste?
 
R.D. : C’est une série de livres en cours, qui fait suite à la découverte d’un manuel
expliquant comment devenir artiste. Est-ce qu’artiste est une vocation, un métier, une
profession dans une société néo-libérale ? Ces livres explorent cette dialectique entre
condition et profession, en se jouant des clichés sur l’artiste, vu à la fois comme oisif et
inspiré, tout cela dans un monde ultra compétitif. C’est une démarche assez saine de
notre part en fait, consistant à réfléchir avec dérision à notre statut.
 
J.D. : De ce point de vue je pense aussi à vos cartes de visite, à votre lettre de
recommandation de Daniel Buren, à Looking for my artist name, ou
encore à l’article intitulé « Le Monde selon Mazaccio ». Est-ce que ce dernier, par
exemple, est à considérer comme une édition d'artiste de votre point de vue ?
 
E.M. : Oui. Pour expliquer le contexte, il s’agit de cinq entretiens et d’une série
d’autoportraits mis en scène, publiés dans une édition qui a été réalisée dans le cadre
d’un partenariat avec des étudiants de la Sorbonne lorsque j'étais aux Beaux-Arts de
Paris. Il fallait faire des duos : un apprenti artiste / un apprenti critique. On a rencontré
deux personnes qui travaillaient ensemble, comme nous, Nicolas Heimendinger et Fani
Morieres, et on s’est très bien entendu. On a voulu court-circuiter la commande, cette
demande un peu absurde qui conduit des artistes de 25 ans à parler comme s’ils avaient
une longue carrière. L’humour, à travers les mises en scène photographiques et les textes
stéréotypés à outrance, nous semblait être la seule façon de se prêter à cet exercice.
 
J.D. : Il y a quelque chose d’assez caustique dans ces projets, d'autant que lorsqu’on voit
les éléments isolément, cela peut prêter à malentendu. En voyant vos cartes de visite par
exemple – je suppose que vous en changez sans arrêt – je me suis d’abord dit que vous
ne vous preniez pas pour n’importe qui. Et c'est quand on en voit plusieurs qu’on
comprend l'ironie. C'est la même chose avec vos images en fait : si on voit votre travail
pour la première fois, on peut se dire qu'il y a là un rapport à la séduction qui est un peu
douteux et puis rapidement, quand on regarde votre démarche dans son ensemble, on
détecte l’ironie et la dimension critique.
 
E.M. : Je pense qu’au premier abord notre travail est toujours abrupt. Quand ils reçoivent
notre carte de visite, les gens sont rarement à l’aise. J’en avais fait une qu’on aurait pu
prendre pour celle d’une masseuse thaï, sur laquelle il était écrit « Versatile artist » avec une typographie faite de femmes nues.
 
J.D. : Vous avez également un travail de commande photographique et de direction
artistique pour des magazines ou dans le champ de la publicité. Où est la frontière avec
votre travail artistique ?
 
R.D. : Oui, on a fait des images pour divers magazines, pour les affiches d’un théâtre, pour des couvertures d’albums de musique, ou encore des shootings de flacons de parfums.
On reprend parfois des séries ou des logiques de collage qu’on a déjà amorcées...
 
E.M. : Mais en vérité on ne sépare pas le travail de commande du reste. Nous créons des
choses en continu, et lorsqu'on fait appel à nous, que ce soit pour un shooting commercial
ou une exposition, nous adaptons nos « chantiers » du moment au canal de diffusion.
Jérôme Dupeyrat,
septembre 2016
A watermelon, jaggedly cut open as if baring its fangs, sits on its side.
The large fruit is stuffed with strawberries and displayed on a platter,
surrounded by wedges of its own kind. Above the vibrant image is a
line of three cartoonish symbols, known as Emojis: watermelon slice,
strawberry, watermelon slice.
The scene is the creation of Elise Mazac and Robert Drowilal, a young
French photography duo known as Mazaccio & Drowilal. It may seem surface,
even childish, but the piece—and the team’s work as a whole—really delves deep
into photography and our perception of it.
A watermelon, jaggedly cut open as if baring its fangs, sits on its side.
The large fruit is stuffed with strawberries and displayed on a platter,
surrounded by wedges of its own kind. Above the vibrant image is a
line of three cartoonish symbols, known as Emojis: watermelon slice,
strawberry, watermelon slice.
The scene is the creation of Elise Mazac and Robert Drowilal, a young
French photography duo known as Mazaccio & Drowilal. It may seem surface,
even childish, but the piece—and the team’s work as a whole—really delves deep
into photography and our perception of it.
The colourful fruit image is part of Mazaccio & Drowilal’s latest exhibition, “Antépisode”,
a French word meaning prequel. The collection of images, depicting palm trees and vibrant
rubber balls, explores the beginnings and inner workings of the technological hub that is
Silicon Valley. Through the use of colour—and pairing each image with its corresponding Emoji
sequence—Mazaccio & Drowilal force their viewers to pause for a moment, to stop and examine
what pattern of work creates a technological advancement (and, in some ways, a photograph).
“This is the first time we’re exhibiting with Emojis,” says Drowilal. “It’s a kind of translation of each picture.
Photography is a language, Emojis are a language.” Mazac echoes the thought, calling the symbols,
which are commonly used in text messages to convey a feeling or action, “very effective”.
Through this series, Mazaccio & Drowilal work to remind viewers that photographs are art,
to be sure, but they are also objects. The duo’s depiction of scenes and items is intended
to poke fun at photography as much as heighten the value of it.
The duo’s depiction of scenes and items is intended to poke fun at photography as much as heighten the value of it.
To create “Antépisode”, which premiered at 2015’s Paris Photo Los Angeles, Mazaccio & Drowilal began digging into photographic media including Tumblr, Photoshop, and Instagram. “We really wanted to know about the ideologies behind these technologies—who is creating the software and apps, and in what context?” says Drowilal. They travelled to California to gather information, visiting the offices of tech companies and other famous places such as Steve Jobs’s garage and Stanford University, and photographing characteristically West Coast moments. Mazaccio & Drowilal were drawn to the North American, and particularly the Californian, way of life. “It seems the relationship to their work is not the same as in France,” says Drowilal. “There is an idea for having fun at work, which is totally different than in our country.” Mazac agrees: “It was a scene that interests us. It interests us in terms of being a society of fun, as well as a society of individualism and personal development.” Drowilal lets a smile creep across his face, adding, “As artists, we have fun at work.” This is the way the duo operates in photography and in life, feeding off of each other and easily continuing the other person’s thought, but never speaking over one another or fighting for attention. They met in 2006 and quickly bonded over their love of contemporary pop culture and conceptual art, becoming a couple in their personal lives as well as photography. This romantic connection, evidently, only makes their work partnership stronger. “It is fun and a lot of communication. We discuss a lot,” says Mazac. “We are together for every step.” They both conceptualize, they both photograph, they both edit; neither one takes ownership over a given photograph or idea, instead choosing to see every notion, every ounce of creative output, as a joint venture.
Also on display at Paris Photo Los Angeles was the duo’s other major exhibition, the cheeky “Wild Style”, which they worked on during a three-month residency, sponsored by BMW, at the musée Nicéphore Niépce in 2013. “Wild Style” explores kitsch, intentionally going over the top with tackiness and colour. It centres on animals, and in particular, the way that humans view them, often projecting their own feelings and thoughts onto their pets. Included is a shaggy black dog looking out onto a sunset, a pair of cats being held by unidentified humans dressed in wolf T-shirts, and a tiger, paws crossed as if mid-dance, against a bright blue sky. Like much of Mazaccio & Drowilal’s work, some of the pieces are not entirely what they seem: the dogs, for instance, were actually photographed in a studio and then collaged onto the sunsets. We may think that a dog is looking thoughtfully at a beautiful sky, as if in reflection, but is that actually what the animal sees and feels? “Wild Style” forces us to check our own perceptions.
Mazaccio & Drowilal work to remind viewers that photographs are art, but they are also objects.
The exhibition is as playful and humorous as it is thought-provoking, a product of the duo’s lack of artistic boundaries during the residency. “We were totally free,” Drowilal says, which allowed them to truly explore their work and hone their creative direction—a sort of coming-of-age. “Before the residency program we were totally unknown,” says Mazac. “Because we are so young.” Mazac is 27 and Drowilal is 29, relatively elementary in the world of art: “We’re baby artists,” jokes Drowilal. Ripe, sure, but also mature, thoughtful, and well on their way to fully blossomed careers. And their youth actually works largely in their favour; their connection to the digital world and ability to decipher what is relevant aids them in their depiction of the modern, the on-trend. In today’s image-driven world, there is always more to see. And between Instagram, Twitter, Snapchat, Tumblr, and Facebook, the landscape of photography is growing and morphing at a rapid pace. “I think it’s changing with the Internet,” says Drowilal. “The fact that so many images are on the Internet, it’s very stimulating.” Some might find the inundation of photographs to be an uninvited blizzard of over-saturation, but not Mazaccio & Drowilal. “Most of our inspiration comes from this tsunami of photographs,” Drowilal explains. It’s not overwhelming for them—rather, it’s just fuel for their quirky, bright fire.
Sara Harowitz
October 2015
On prend l'expo par la fin, ou par le haut du cloître, en l'occurrence. Du plus ancien au plus récent, afin d'essayer de comprendre quelque chose au kitsch de Mazaccio & Drowilal, dont on aperçoit la perversité, mais qu'on peine à caractériser.
+ lire
On prend l'expo par la fin, ou par le
haut du cloître, en l'occurrence. Du
plus ancien au plus récent, afin
d'essayer de comprendre quelque chose
au kitsch de Mazaccio & Drowilal, dont on
aperçoit la perversité, mais qu'on peine
à caractériser.
A l'étage supérieur, donc, la série «Nunuche
» (2014), du papier essuie-tout à décoration
inepte (bonhommes de neige, chameaux
et palmiers, coquillages et
crustacés) photographies et reproduits en
géant, sur lesquels les artistes ont incrusté
des images de nudistes à gros
culs; nudistes-jardiniers, nudis
tés-randonneurs, nudistes-bikers.
Mauvais goût absolu, courtcircuit
du sens : essuie tout + cul = merde, on en voit
d'ailleurs une au fond de la salle,
en train de sortir d'un éléphant.
Autres séries: «Ça gicle» (2013), entre
champagne et éjac faciale ; et «Paparazzis
» (2014), découpages et collages thématiques
de revues people : les stars font des
doigts, les stars vont à la plage, les stars
font de la moto, etc.
Chasses d'eau. On pourrait dire, comme
le fait Elise Mazac, a.k.a. Mazaccio (une
grosse Mazac, en quelque sorte, et un jeu
de mot avec le peintre de la chapelle Brancacci),
que «fa merde est bien là. Et le spec
tateur a le nez dedans». Mais la forme de
cette déclaration et du livre où elle apparaît
(Le Monde selon Mazaccio, 2013) invite
à la prendre au quarante-douzième degré.
De fait, toujours au même etage, la série
«le Déclencheur» (2012) se joue des degrés,
visuellement, cette fois. On y montre
un doigt qui appuie sur différents objets,
des boutons de chasses d'eau, de spray ou
un élastique de bikini. Parfois, il semble
que le doigt appuie sur un objet de même
niveau de réalité que lui (un briquet, par
exemple) et d'autres fois, qu'il est posé sur
une photo (une paire de fesses apparaissant
sur un écran d'ordinateur). Dans une
des images, l'indécision du montage entre
le réel et la fiction est à son comble, avec
un doigt en appui sur une lime à ongles qui
semble râper un monticule de coke. Commentaire
dè Robert Drowilal: «Etant donne
qu'être artiste semble une condition plutôt
qu'un métier, nous avons fait un reportage
sur l'index droit de Mazaccio (celui qu'elle
utilise pour photographier). R est observé
dans sa vie quotidienne, et toutes ses actions,
y compris les plus innocentes comme tirer la
chasse, sont réifiées. »
Poubelles à fleurs. Mazaccio et Drowilal
se sont rencontres en 2006, ils sévissent depuis ensemble et séparément. Question
trash, on leur trouve un petit côté Ryan
Trecartin et Lizzie Fitch français. Dans la
salle du bas, c'est «Wild Style» (2014),
une série hilarante consacrée aux animaux,
domestiques ou non. Déferlantes de
toutous photographies devant des posters
vacanciers, chats aux yeux rouges posant
devant des images de chats, poubelles à
fleurs jouxtant des savates à tête de lolcat.
Où l'on comprend assez vite que ce
dédoublement de la junk culture chalonesque
n'est pas chez eux une tentative de
sauver le kitsch par surexposition (comme
chez le Japonais Takashi Murakami, par
exemple) mais par une résistance interne.
Regardez bien les animaux dans les photos
de Mazaccio & Drowilal : ils cherchent à
se tirer.
Eric Loret
Juillet 2014
Mazaccio & Drowilal, armés d’épuisettes rudimentaires, ramènent à la surface de l’océan des images sympathiques, parfois malsaines. Ils prélèvent les restes les plus significatifs de ce tsunami qui nous submerge aujourd’hui.
+ lire
Mazaccio & Drowilal, armés d’épuisettes
rudimentaires, ramènent à la surface de l’océan
des images sympathiques, parfois malsaines.
Ils prélèvent les restes les plus significatifs de ce
tsunami qui nous submerge aujourd’hui.
Ils n’ont même plus besoin de fabriquer des
photographies. La société pourvoie à leur
demande de représentation. Il suffit de se
baisser pour ramasser ce qui fait la joie d’une
génération : collection de chiens, naturistes
enjoués, stars, …
Et lorsqu’ils décident de fabriquer eux mêmes
leurs images, ils pratiquent encore l’art du
collage. Non plus au sens du photomontage mais
grâce à la prise de vue. Au cadrage, ils collectent
des objets, des figures, tout un bestiaire du
sauvage issu de notre société de consommation.
Des histoires simples qui remettent en cause
l’ordre établi des images et leur hiérarchie. (...)
Ne nous trompons pas, ce regard ironique et
tendre sur le monde, un mélange de Pierre Dac
et de Duchamp, fait de Mazaccio & Drowilal les
continuateurs d’une tradition française. L’esprit
de Présence Panchounette ou BP flotte encore
sur un art qui botte les fesses à la morosité.
François Cheval
Juillet 2014
Tirant ses moyens de la photographie, du livre et d’internet, attaché en particulier au support papier, au collage et à la série, le travail de Mazaccio & Drowilal se comprend toutefois moins en termes de médium ou de technique que d’image. Loin d’une réévaluation de ce qu’on appelait autrefois « la culture populaire », le brassage et les détournements qu’ils opèrent entretiennent plutôt des parentés avec la notion de mème : le duo détourne et recombine des formes archétypales, des structures élémentaires, qui façonnent les mémoires, les identités et les représentations aussi bien individuelles que collectives.
+ lire
Tirant ses moyens de la photographie,
du livre et d’internet, attaché en particulier au
support papier, au collage et à la série, le travail
de Mazaccio & Drowilal se comprend toutefois
moins en termes de médium ou de technique
que d’image. Loin d’une réévaluation de ce
qu’on appelait autrefois « la culture populaire
», le brassage et les détournements qu’ils
opèrent entretiennent plutôt des parentés avec
la notion de mème : le duo détourne et recombine
des formes archétypales, des structures
élémentaires, qui façonnent les mémoires, les
identités et les représentations aussi bien individuelles
que collectives.
De ces pièces émane une familiarité certaine,
au-delà même des habitudes que chacun peut
entretenir avec une telle iconographie : complicité
avec la dérision de l’artiste, impression
de proximité avec cette disposition presque
enfantine à la collection, émerveillement enfin
devant des objets d’autant plus précieux que
leur contenu est trivial ou commun.
Entre ironie douce, provocation caustique et humour
potache, il devient malaisé de distinguer
la charge critique de l’affection que portent les
artistes à ces images : c’est sans doute dans cette
capacité à échapper à toute réification que réside
la véritable puissance subversive de ce travail.
Ni distanciées, ni complaisantes, ces oeuvres
suscitent la jubilation par le plaisir ostensible
que prennent Mazaccio & Drowilal à les concevoir,
plongeant le spectateur dans un espace de
jeu où les cartes sont sans cesse rebattues – et
c’est bien pourquoi légèreté et gravité sont ici
inséparables : « la plénitude de l’investissement
dans le jeu caractérise une forme de bonheur
[…] qui s’apparente moins à l’explosion de joie
ou au rire qu’à l’esprit de sérieux. »
Nicolas Heimendinger
Juin 2013
Les œuvres photographiques d’Élise Mazac semblent hésiter entre deux pratiques plasticiennes opposées. Ce constat s’inscrit dans l’histoire récente de ce médium, éprouvé à la fin du XXe siècle par la conquête numérique. Les critiques d’art ne voient de salut que de la franche opposition de deux pratiques de la photographie. Paul Ardenne commente : « L’âge analogique est celui de l’empreinte ; l’âge numérique, celui de l’emprunt - deux cultures que tout oppose. »1. Cette sentence ne contrarie pas le travail d’Élise Mazac qui puise son inspiration à toutes les sources de la photographie.
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Les œuvres photographiques d’Élise Mazac semblent hésiter entre deux pratiques plasticiennes opposées. Ce constat s’inscrit dans l’histoire récente de ce médium, éprouvé à la fin du XXe siècle par la conquête numérique. Les critiques d’art ne voient de salut que de la franche opposition de deux pratiques de la photographie. Paul Ardenne commente : « L’âge analogique est celui de l’empreinte ; l’âge numérique, celui de l’emprunt - deux cultures que tout oppose. »1. Cette sentence ne contrarie pas le travail d’Élise Mazac qui puise son inspiration à toutes les sources de la photographie.
« Par souscription à la culture du "sample", de l’échantillonnage,
qui veut que l’artiste, pour ourler ses propres créations, puise en priorité dans le vaste
réservoir des formes déjà créées »2, Élise Mazac collecte patiemment des images familières,
pour la plupart issues de la culture populaire. La série Rose & Jack donne à voir les silhouettes
d’un homme et d’une femme, l’une bleue, l’autre rose. Les personnages sont cadrés en plan serré,
ce qui ne révèle qu’une infime partie du décor. Il est malgré tout impossible de ne pas reconnaître
la fameuse scène du film Titanic, lorsque le héros saisit sa partenaire par la taille à la proue
du bateau. Les aplats de couleurs qui dessinent les silhouettes des personnages permettent à tout
un chacun de prendre un instant la place du beau Léo et de rejouer ce grand classique devenu une
image d’Épinal d’un romantisme tendrement surannée. Après avoir montré les acteurs à la scène,
Élise Mazac s’intéresse aux célébrités à la ville. Les assemblages de la série Paparazzis mettent
en scène une accumulation impressionnante et anormale de stars, dans des décors et des situations
de la vie quotidienne. Dans « Au supermarché », le visiteur surprend des dizaines de personnalités
du monde du spectacle en train de pousser leurs caddies sur un parking. D’autres compositions mettent
en scène des célébrités « À vélo », « À la plage », ou promenant leur chien - « Et le chien » -.
Ces images lisses d’un bonheur facile où chaque tâche du quotidien se pare de glamour évoquent
l’histoire des Femmes de Stepford. Le célèbre roman de science-fiction, écrit en 1972 par Ira Levin,
est adapté deux fois au cinéma : une première fois en 1975, puis une seconde en 2004. Dans cette dernière
adaptation, Nicole Kidman incarne le rôle de Joanna Eberhart, une photographe qui vient d’emménager dans
un riche lotissement du Connecticut. La jeune femme remarque rapidement l’étrange comportement de ses
voisines qui agissent comme de véritables esclaves au service de maris paresseux et ingrats. Les femmes
de Stepford - toujours tirées à quatre épingles - semblent effectuer leurs tâches domestiques avec un
grand bonheur. Joanna Eberhart découvre finalement l’effroyable secret qui se cache derrière cette
soumission irraisonnée et parvient à remettre en question ce monde des apparences. Les accumulations
grotesques de photographies de célébrités, créées par Élise Mazac, révèlent l’absurdité du système
médiatique actuel et font elles aussi sauter le vernis des conventions de représentation. Mais bien
que l’esthétique des photographies de la jeune artiste évoque les images gentiment policées du film,
elles se placent plus volontiers du côté de la joyeuse célébration de leur époque que de la critique
sociopolitique. Benjamin Thorel relève l’ambivalence des démarches des artistes qui utilisent les images
issus de la culture populaire : « Il n’y a chez eux ni mépris ni mise en accusation : bien au contraire,
c’est la richesse même de cet imaginaire, ancré pour le meilleur comme pour le pire dans l’inconscient
collectif, que ces artistes reconnaissent et s’emploient à tirer au clair »3. Cette forme de célébration
de la culture populaire atteint son paroxysme avec la série Accrogym où des athlètes en justaucorps
forment des rosaces psychédéliques. Le corps humain est également le motif principal de Nunuche .
Élise Mazac a patiemment collectionné pendant des années des feuilles de sopalin. Elle ajoute sur le papier absorbant des photographies de nudistes qu’elle place en harmonie avec le décor de la feuille : les petits bonhommes profitent des joie de la baignade, admirent un paysage idyllique ou pratiquent des jeux de plein air. La nudité des personnages et la naïveté des paysages évoquent un bonheur simple et sans obstacle. L’esthétique tendrement kitch de ces images recomposées font appel au vocabulaire employé par les publicitaires pour « vendre du rêve ». Ce même principe est mis en scène par Élise Mazac dans le livre Ovnis. Des photographies de familles heureuses et épanouies - issues de catalogues publicitaires - envahissent les pages de l’ouvrage. Chaque image se voit parasitée par la présence d’un objet volant non identifié dans le ciel. Les personnages, totalement inconscients de cet élément perturbateur, continuent à afficher un bonheur sans faille qui, compte tenu de la situation, frise l’idiotie. Élise Mazac use et abuse des codes de la publicité et puisque « le sexe ça fait vendre », elle place au centre du livre un « poster » de streakers, ces exhibitionnistes qui apparaissent nus en public, surtout lors d’événements sportifs. Le détournement publicitaire est un langage souvent employé par les artistes contemporains et le « sex-poster » d’Élise Mazac s’inscrit tout à fait dans la démarche de Wim Delvoye. L’artiste belge, auteur de la célèbre machine à caca Cloaca, se sert de fausses publicités pour vendre à tout prix les déjections de sa machine infernale (animation vidéo, documents de témoignages de clients satisfaits, flyers,…). Chez Élise Mazac comme chez Wim Delvoye, ces parodies et détournements ne délivrent pas de message politique. Ils jouent avec humour et dérision avec les codes de la culture populaire. L’humour est également un des composants essentiels de la série des Babies. Élise Mazac a collectionné des représentations de Jésus, issues de peintures classiques. Elle se met en scène dans des photomontages où elle semble câliner tendrement ces poupons dont l’étrangeté interpelle le spectateur. La fusion totale du corps de « la mère » et de celui de l’enfant est perturbée par la différence fondamentale de traitement plastique des deux figures : tandis que les Jésus peints répondent à des codes de représentation anciens, les « mères » sont photographiées dans des tenues contemporaines. Élise Mazac édite ces photomontages en format Jésus.
La pratique artistique d’Élise Mazac repose sur un principe de collection d’images.
Les figures convoitées sont patiemment découpées/sauvegardées et viennent enrichir un vaste répertoire
de formes. Ce principe de « collection » articule les photomontages et autres collages d’Élise Mazac avec son travail de photographe.
Marie Griffay
Juilet 2011